URANUS, Marcel Aymé (1948)

Publié le 18 Avril 2014

«Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! Libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France, avec l'appui et le concours de la France tout entière, de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle. » Ces mots déclamés par le général De Gaulle devant l’Hôtel de Ville posent les jalons d’un légende dorée qui mythifiera la Résistance pendant trois décennies. Vichy n’était qu’une parenthèse historique ouverte par erreur et fermée par la Libération. Seule compte désormais la nation unie et combattante ! Tel est le Credo qu’il faut savoir prononcer en 1945 pour passer pour un patriote. Le pays est pourtant au bord de la guerre civile. Contrairement à la plupart de ses contemporains, Marcel Aymé refuse de fermer les yeux sur les erreurs de son époque. Le résistancialisme est un mythe qui a viré à la tragédie : celle de l’épuration sauvage, des règlements de compte et des femmes tondues… Au nom de la vérité, il veut souligner l’écart qui se creuse entre le discours et la Libération, la France résistante glorifiée et la France souffrante étouffée.

C’est dans cette perspective qu’il entreprend de retracer la chronique d’un village en 1945. Blémont, petite commune française, est méconnaissable à l’issue de la guerre : les bombardements ont rasé des quartiers entiers, les professeurs font cours dans des bistrots et les enfants jouent à la guerre dans les ruines ; il y a des absents dans chaque famille, des traitres dans chaque quartier ; la douleur et la peur hantent ce village oùpersonne n’est à l’abri des soupçons de son voisin. Chaque habitant est contraint de mener une double vie, où ce qu’il dit et fait n’est plus ce qu’il pense. Forts de leur légitimité, les communistes en disgrâce en 1939 sont maintenant au pouvoir et mènent une véritable « chasse au collabo ». La cible qu’ils convoitent est Maxime Loin, un journaliste ouvertement collaborationniste et hitlérien. Traqué, le traitre sur le point d’être découvert frappe en désespoir de cause à la porte d’une famille bourgeoise : les Archambaud. Quelle réponse lui adresseront-ils ? Feront-ils le choix de rejeter un traitre ou de sauver un homme ?...

A l’heure où tend à surgir une geste épique des Francs Combattants, Marcel Aymé désacralise la Résistance, dédiabolise les Pétainistes, humanise les Français. Il entend montrer que dans cette France de la Libération, il n’y a ni héros, ni traitres, mais une foule d’être en proie à leurs contradictions.

377 pages

URANUS, Marcel Aymé (1948)

« Le fait est que j’ai peur. Il me semble toujours que les gens me soupçonnent de ne pas haïr ce qui doit être haï, de ne pas adorer ce qui doit être adoré. »

Rédigé par Rastignac

Publié dans #Littéraire, #Historique

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